Huîtres de l'île de Naâkre
Huîtres de l'île de Naâkre
Les huîtres qui se développent dans la baie de l’île de Naâkre, au nord-est de Gandoria, ne ressemblent en rien aux espèces communes. Elles ont la taille d’un rocher, un goût exécrable et la force de dix requins. Trois fois par jour, elles engloutissent des dizaines de petits poissons qui passent à leur portée. Le couvercle s’ouvre et se referme, emprisonnant ses proies avant de les digérer. Le temps d’ouverture est très court, environ trois secondes, et il varie d’une huître à l’autre. Au fond de la coquille repose un organisme gluant et compact qui compose le corps de l’animal. C’est sur ce coussin mou et écœurant que se développe un trésor, une énorme perle qu’on appelle un koralis. Il y a deux choses qu’il faut impérativement savoir si l’on veut pêcher le koralis et s’en sortir vivant. La première, c’est que la perle est liée à l’huître par une sorte d’ombilic et qu’il faut une lame bien aiguisée si l’on veut trancher rapidement et sans secousse. La seconde, c’est qu’une fois refermée, la coquille est impossible à rouvrir de l’intérieur. Certains pêcheurs amateurs, généralement des étrangers mal informés, attirés par l’appât du gain, négligent l’une ou l’autre de ces recommandations et finissent invariablement noyés. L’huître ne les digérera pas, son organisme ne supporte que la chair délicate, mais elle ne rouvrira ses mâchoires que huit heures plus tard. C’est alors qu’on voit remonter leurs cadavres à la surface, aussi gonflés d’air qu’ils étaient bouffis d’orgueil, blancs comme la surface du koralis qui leur a échappé, propulsés dans un sommeil éternel où ils pourront méditer sur les notions de vanité et d’avidité.