Les huîtres de l’île de Naâkre ne ressemblent en rien aux espèces communes. Elles ont la taille d’un rocher, un goût exécrable et la force de dix requins. Au fond de la coquille repose un organisme gluant et compact qui compose le corps de l’animal. C’est sur ce coussin mou, écœurant, que se développe un trésor, une énorme perle qu’on appelle un koralis. La perle est liée à l’huître par une sorte d’ombilic et il faut une lame bien aiguisée si l’on veut trancher rapidement et sans secousse. Le koralis est d’autant plus recherché qu’il est extrêmement rare. On le sculpte ou on en fait de petits bijoux dont la valeur est inestimable, mais lorsqu’on l’extrait de l’huître, son poids est la moitié de celui d’un enfant. Une huître met des années à élaborer un koralis qui atteigne une bonne taille. S’ils sont ramassés trop tôt, les jeunes koralis se brisent lorsqu’on veut les tailler et les sculpter. Mais lorsqu’ils sont arrivés à maturité, ils sont plus solides et on peut en faire de jolis colliers. Le koralis mature rapporte une centaine de pièces d’argent à celui qui le pêche et se négocie plusieurs milliers d’écus sur les marchés boranns et yrlanais. Sur Naâkre, cent talions permettent à un pêcheur et sa famille de vivre pendant une année.