Ce grand royaume humain, à l’ouest des Terres d’Arran, s’étend du massif andarien, au sud, jusqu’aux chaînes de montagnes traversées par le Dolum et ses affluents, au nord. La marche du royaume marque la seule frontière terrestre avec les cités-États de Tarascon à l’est. La plus grande partie du littoral est parcourue de falaises abruptes et de côtes rocheuses. Cela réduit drastiquement la possibilité d’implantation de nouveaux ports et encourage l’expansion en termes de dimensions et de population des quelques cités portuaires du pays.
Trois régions aux caractéristiques géographiques particulières marquent ce territoire :
- Au sud, le massif andarien se distingue par un ensemble de volcans endormis formant un bloc continu, suivant une ligne de crête qui s’étend sur près de 400 lieues. Les hordes de trolls et les meutes de loups se plaisent dans cette région où la présence humaine se fait rare. Les hommes qui vivent là mènent une vie pastorale. Ce sont des gaillards robustes, attachés à leurs traditions. La plupart sont des bergers issus d’une ancienne lignée de guerriers-montagnards. Lorsqu’ils quittent leurs pâturages pour la saison hivernale, ils se regroupent dans des petits villages nichés au cœur des montagnes. Leurs ancêtres ont farouchement protégé les terres andariennes face aux osts des rois du Léhon. Ce peuple, autrefois connu pour être indomptable et insoumis, a finalement déposé les armes après plus d’un siècle à verser le sang des seigneurs des Basses-Terres. Non pas par choix, mais par nécessité, car l’accroissement des hordes de trolls pullulant dans les montagnes a fini par devenir incontrôlable. Risquant d’être exterminés jusqu’au dernier, les Andariens n’ont eu d’autre choix que de reconnaître l’autorité du roi du Léhon et de s’allier aux seigneurs des Basses-Terres pour contenir la menace.
- Au cœur du pays se trouvent les Basses-Terres, qui couvrent plus des deux tiers du royaume. C’est un territoire partiellement boisé où châteaux, manoirs et bastides se répartissent le long de vallées verdoyantes. On peut distinguer au loin, nichés au pied des vallons, les bourgs commerçants et, à leur périphérie, les nombreuses fermes qui nourrissent le pays. De larges chemins de pierre, correctement entretenus, permettent de se déplacer facilement entre les différents duchés et seigneuries. Ces routes offrent un large panel de paysages, où se succèdent des bois feuillus, des truffières, des vignes, des carrières de pierre, des champs aux couleurs multiples, des prairies fleuries, ainsi que des vallons et autres cours d’eau… Avec le temps, les hommes des Basses-Terres ont purgé leurs domaines de la plupart des monstres et autres culs-verts natifs de ces régions. Ce pogrom obligea les rescapés à migrer toujours plus loin au sud et au nord du royaume, ce qui explique la forte concentration de ces engeances dans ces secteurs. Ce n’est pas pour autant que les routes sont désormais plus sûres car, comme le dit l’adage, l’homme est un loup pour l’homme. Tire-laines et autre rançonneurs humains ont pris le relais, au point de devenir une menace non négligeable pour le royaume. Ces vauriens vivent avec leurs familles dans des communautés cachées dans les forêts ou dans les bas-quartiers des grandes cités. Ils ont développé leurs propres codes ainsi qu’un mode de vie basé sur le pillage et la rapine, créant des coteries à travers tout le pays.
- Enfin, au nord du royaume s’élèvent de grandes chaînes de montagnes qui forment le territoire des ducs du nord. C’est une région très escarpée et difficilement accessible. Cet isolement a protégé le nord du royaume durant la guerre des Goules, mais il n’en reste pas moins que les ressources alimentaires se font rares, car les régions fertiles sont au sud. Au nord, on trouve surtout du bois, des minerais et du charbon…
Il y a quelques décennies de cela, une guerre civile a éclaté entre le nord et le sud du Léhon, suite à une histoire de succession dont les Nains ne se sont pas mêlés. Le pont qui enjambait le Dolum a été détruit pour empêcher le seigneur qui régnait sur le nord de revendiquer le trône. Finalement, après un conflit qui causa beaucoup de pertes humaines, le seigneur du Nord abdiqua et un traité de paix fut ratifié.
Par la suite, à cause de la destruction du pont, il fut difficile pour le roi et les seigneurs des Basses-Terres d’apporter leur aide aux ducs du Nord, qui manquaient cruellement de soldats aguerris pour repousser les créatures hostiles, car la plupart des vétérans avaient péri lors de la guerre civile. Il n’existait plus que deux passages pour franchir le fleuve. Le premier, à l’embouchure du Dolum, n’était praticable que quand les marées le permettaient. Le second, par l’ancienne route des cols, était fermé la moitié de l’année à cause de la neige. De toute façon, même lors de la bonne saison, il restait impraticable pour les chariots. Quant à la voie fluviale, elle ne permettait pas d’accéder aux hautes plaines, car le fleuve coule au fond d’un canyon d’une vingtaine de jetées et les berges sont trop escarpées.
Il n’y avait plus que des jeunes soldats manquant d’expérience pour protéger les fermes. Les hommes n’étant pas assez nombreux pour tenir leurs territoires, le roi Arban demanda l’aide des Nains pour reconstruire le pont. Mais quand les Orcs comprirent ce qu’il se passait, ils harcelèrent les bâtisseurs de Kernor’Draz. Les Nains durent renoncer, car c’était devenu trop coûteux en or et en poilus. Les culs-verts se multiplièrent alors comme du chiendent et chassèrent les fermiers hums (hommes) de leurs terres, les repoussant vers les montagnes où les Nains étaient établis. Les Orcs devinrent les maîtres des plaines. Par deux fois les cognars de Kernor’Draz les chassèrent, essuyant à chaque fois de lourdes pertes, mais au bout d’un an ou deux, l’engeance verdâtre revenait en surnombre.
Jusqu’au jour où une bavette (femme), du nom de Fey du Temple, ancien premier capitaine de la célèbre légion de Fer, se mit en tête de reconstruire le pont de l’ancienne route de Karz’Karn. Elle réussit l’impossible (une histoire racontée dans Nains T.13). Le roi Arban du Léhon mena son ban et son arrière-ban vers Kernor’Draz, grâce au passage via le pont nouvellement rebâti portant le nom d’Akaram’or’ktar. Il put reconquérir le nord qui était en proie aux hordes d’Ogres et de culs-verts qui cernaient même la cité-État des Nains de Kernor’Draz. La boucherie du creux de Draz dura trois jours. La tempête qui s’était abattue sur la région permit aux Nains assiégés de faire une sortie et de prendre à revers les hordes ennemies. Orcs, poilus et hums s’étripaillèrent dans le chaudron de Draz. À l’aube du quatrième jour, les corps des culs-verts recouvraient le sol. Plus rien ne bougeait dans le silence glacial. Suite à ça, le royaume du Léhon retrouva un semblant de paix et d’unité.
Une paix bien éphémère car le nouveau roi du Léhon, Silurce le Gros, qui succéda à son cousin le sage roi Arban dans des conditions des plus douteuses, se révéla être un véritable tyran, xénophobe de surcroît. En quelques années, il leva une des plus grandes armées des royaumes humains. Sa suprématie militaire lui permit d’influencer la politique des cités-États de Tarascon, de la Lombardie et même de royaumes plus lointains. Il faut reconnaître que ce monarque bedonnant est un guerrier émérite, un politicien hors pair et un fin stratège. Il sait manipuler son peuple et avancer ses pions comme peu de dirigeants humains.
Fief des ducs du Nord, cette cité hum (homme) du royaume du Léhon est située au nord de la cordillère des Marvals. Elle est bâtie sur des terres se trouvant en contrebas de la Forteresse-État naine de Kernor’Draz. Jadis, cette cité était l’une des plus importante du royaume, son armée accoutumée à lutter contre les hordes d’Orcs, d’Ogres, de Trolls et autres abominations pullulant dans la région, était la plus puissante et aguerrie du pays, si on omet les fiers cognars de Kernor’Draz. Elle pouvait aussi compter sur ses voisins nains qui aidèrent les humains à s’armer et à renforcer leur position, partageant parfois même leur savoir. Pour le sage roi nain Akaram, le calcul était simple : renforcer la puissance militaire de ses proches voisins hums permettait de réduire drastiquement les populations hostiles qui menaçaient sa Forteresse-État. Ses alliés hums faisant tampon avec les culs-verts, il évitait ainsi de trop exposer ses légions du bouclier, réduisant ainsi ses pertes au détriment de ses voisins humains.
Il y a quelques décennies de cela, une terrible guerre civile a éclaté entre le Nord et le Sud du Léhon, à la suite d’une histoire de succession. Le seigneur qui régnait sur le Nord revendiqua le trône du Léhon et il put compter sur le duc de Sargoss et son armée pour soutenir son coup d’État. Le roi Arban qui régnait alors sur tout le pays fit détruire le pont qui enjambait le Dolum, pour empêcher les légions du Nord d’envahir les Basses-Terres. Finalement, après un conflit qui compta beaucoup de pertes humaines, le seigneur du Nord finit par abdiquer et un traité de paix fut ratifié. Mais le mal était fait, il n’y avait plus que des jeunes soldats manquant d’expérience pour protéger la cité de Sargoss et les fermes environnantes. Les hommes n’étant pas assez nombreux pour tenir leur territoire, la cité connut une lente agonie et finit par tomber face aux hordes ennemies.
La construction du pont Akaram’or’ktar par les Nains permit aux armées du Sud menées par le roi Arban de venir en aide à ses vassaux du Nord et de libérer la région. Ainsi les survivants de Sargoss, dont beaucoup s’étaient réfugiés à Kernor’Draz, purent rentrer chez eux et entreprendre la restauration de leur cité. Le roi du Léhon ainsi que son ban et son arrière-ban restèrent quelque temps dans la cité, participant à la reconstruction.
Aujourd’hui, même si elle a perdu en faste et en population, Sargoss est redevenue une importante cité du royaume du Léhon.
Bâtie à flanc de montagne, à une altitude qui lui fait côtoyer les nuages, cette Forteresse-État située dans le nord du Léhon est certainement le dernier grand bastion nain de ce continent. C’est un État indépendant à l’intérieur même des frontières du royaume humain du Léhon. Il est dirigé par le roi Akaram, un Nain qui aurait près de huit siècles d’existence, descendant d’une illustre lignée de monarques porteurs du sang ancien. Malgré les affres du temps, le sage Akaram n’a rien perdu en prestance, ni en lucidité, et il peut compter sur son fidèle seigneur de bataille, Daragorn, pour faire respecter ses décisions.
Bien qu’au fil des siècles la présence humaine se soit faite plus pressante autour de son royaume, Akaram a su louvoyer et négocier d’importantes alliances avec les différents seigneurs et rois humains qui se sont succédé, assurant ainsi la pérennité de son peuple. Une pérennité menacée aujourd’hui avec la nomination du roi Silurce le Gros à la tête du royaume du Léhon. Ce dernier ne cache pas son animosité envers les peuples anciens tels que les Nains et pourrait bien mettre à mal des siècles d’alliance et d’accords commerciaux entre ces deux royaumes, menaçant Kernor’Draz comme elle ne l’a plus été depuis la reconstruction du pont d’Akaram’or’ktar par Fey du Temple.
C’est à Kernor’Draz que la célèbre Fey du Temple, ancien premier capitaine de la Légion de fer, a grandi, et c’est aussi dans cette Forteresse-État que sa mère, Sienn, ancienne amante d’Aral du Temple, est décédée.
Jadis, il existait deux forteresses-États naines dans les chaînes montagneuses s’étendant dans le Nord du royaume du Léhon, une au sud et une au nord. L’ancienne voie de Karz’Karn les reliait entre elles, passant par un viaduc titanesque qui enjambait les gorges du fleuve Dolum. Il y a sept ou huit siècles de cela, un terrible tremblement de terre détruisit une des Forteresses-États et provoqua l’effondrement du pont qui plongea dans les abîmes du Dolum.
Reconstruire cet édifice permettrait de désenclaver le nord du royaume du Léhon, surtout depuis que le pont qui se trouve plus bas dans la plaine a lui aussi été détruit, il y a plusieurs années, lors de la guerre civile entre le Nord et le Sud du pays. Mais pour cela il faudrait créer un viaduc de plus de trente-deux jetées de long et dix-neuf de profondeur, sans aucune possibilité de soutenir le tablier par des piliers intermédiaires, étant donné la profondeur des gorges. Avec des vents assez puissants pour décorner un broutar et une roche friable à cause d’un feuilletage calcaire entre les couches granitiques, l’exploit semble impossible sans le savoir runique des anciens Nains bâtisseurs, perdu depuis des lustres. Pendant des siècles, des centaines de poilus du Temple ont bien essayé de rebâtir ce pont, mais tous ont échoué.
Jusqu’au jour où une bavette, du nom de Fey du Temple, ancien premier capitaine de la célèbre légion de Fer, se met en tête de le reconstruire avec l’aide des notes de son père, un certain Aral du Temple. Elle reprend les calculs de son géniteur, mais ne maîtrisant pas les anciennes runes qui permettent à l’ouvrage de tenir en place, elle compense par l’ingénierie. Elle utilise notamment des câbles en fils d’acier pour permettre à l’édifice de résister aux séismes et à la violence des vents. Elle allège aussi la construction, qui autrefois était en pierre maintenu à l’aide de runes, par une arche en poutrelles métalliques. Elle fait creuser des corniches dans chaque versant et les renforce afin d’y faire reposer des jambes de force pour l’arche, en s’arrangeant pour rediriger l’ensemble des contraintes dans les parois. Avec l’aide d’Obroc du Temple et de Torun de la Forge, elle finit peu à peu par trouver des solutions à chaque obstacle se dressant sur son chemin. Même quand elle essuie le refus du conseil des maîtres de l’ordre du Temple, elle force la chance et plaide directement sa cause auprès d’Akaram, le roi de la Forteresse-État de Kernor’Draz. Elle lui dit que ce pont permettrait de lever un impôt sur les marchandises en transit, en plus de faire rejaillir l’honneur sur sa lignée en bâtissant l’Akaram’or’ktar qui veut dire, dans l’ancien dialecte nain, le « pont à la gloire d’Akaram ».
Ses arguments finissent par faire mouche, le roi accepte de casser la décision du conseil du Temple et met à sa disposition le trésor royal pour son chantier. Celui-ci sera long et semé d’embûches, marqué par la défection de sa main-d’œuvre rappelée par le roi Akaram pour protéger la forteresse-État contre les hordes de culs-verts. Mais aussi par la grossesse inattendue de Fey du Temple, la mort d’Obroc, les tempêtes, la famine et l’attaque des hordes de viandars… Mais avec l’aide des bavettes de la cité, elle arrive finalement à terminer l’ouvrage, permettant au seigneur Arban, roi du Léhon, de rallier le Nord avec ses troupes juste à temps pour le sauver des culs-verts.
Suite à cet exploit, Fey se retire du monde pour élever son enfant, laissant en héritage au monde un pont qui, au-delà de symboliser la réunification du Nord et de Sud du Léhon, montre toute la détermination d’une bavette capable de réaliser l’impossible, là où les hommes pensaient que ce n’était que chimère.