Le Tangana est situé au nord-ouest des terres d’Ogon et il est en grande partie cerné par les flots, que ce soit les longues étendues côtières du Nord bordées par l’océan ou le littoral Sud qui borde le grand estuaire. La forme du pays rappelle quelque peu celle d’un mégaptère, dont la gueule s’ouvrirait sur le lac Gabon. Le Tangana a la particularité d’être limitrophe avec les terres d’Arran et leur frontière commune est matérialisée par le Mur d’Ar’theker. D’ailleurs, lorsque l’on traverse le titanesque édifice gardé par les courtards bougons de l’Ordre du Talion, on ne constate pas immédiatement de grandes différences avec la région d’Ogrie, sa voisine. Mais, après quelques lieues, l’herbe s’efface pour laisser place à un paysage rude et désolé, constellé d’une myriade de hauts rochers saillants et inégaux, d’où l’on peut parfois percevoir au loin le ressac de l’océan. C’est un long bras de terre qui s’étend sur plus de 2 000 km, dont le seul intérêt notoire est l’interminable et tortueuse piste rocailleuse qui louvoie à travers les innombrables écueils de pierre. Il est vivement conseillé de ne pas s’écarter de la piste principale, car on risquerait de se perdre dans un labyrinthe d’éminences rocheuses pouvant receler maints périls, allant des crevasses dissimulées à d’énigmatiques prédateurs…
En progressant vers l’est, le sentier finit par s’élargir et la douce mélopée des flots s’éteint progressivement. On aperçoit alors un premier totem de pierre orné de peintures tribales aux teintes chamarrées. Puis un deuxième s’impose sur le chemin, et un troisième… On est alors entouré par une quantité incommensurable de totems de tailles différentes et, il faut bien le reconnaître aussi, parfois un peu de guingois. Ils sont omniprésents, égayés par des peintures bigarrées et parcourus de symboles fascinants, semblant attirer les orages. Il n’est pas rare de voir des éclairs surgir à tout instant de la journée, marqués par une volonté propre. En réalité, il n’y a pas grand-chose à craindre. La plupart du temps, la foudre s’abat sur les totems de pierre plutôt que sur les gens de passage. Ce lieu singulier prend fin aux abords d’une très vieille muraille qui ne semble pas être l’œuvre des Nains des Terres d’Arran. Peut-être est-ce une ancienne création de leurs cousins du Morongo ou d’une antique tribu du Tangana, ce qui ne serait pas étonnant quand on sait de quoi sont capables certains bâtisseurs de ce pays. Un sombre tunnel pavé de pierres traverse le mur, et donne accès à un territoire aussi déroutant que fascinant.
On contemple alors une immense savane, comme on n’en trouve que dans les terres d’Ogon. À perte de vue s’étend un tapis d’herbes vivaces, brûlées par le soleil. Acacias plats, baobabs, sycomores et autres espèces d’arbres étranges endémiques à ce pays parsèment les lieux, au même titre que les rochers. Véritables titans ou simples arbustes isolés, il leur arrive de temps à autre de former quelques bosquets irréguliers. Il en va de même pour les animaux qui évoluent dans cette savane, puisqu’on en trouve de toutes les dimensions. Autour des quelques points d’eau qui attirent une faune hétéroclite, il y a de véritables géants, comme les vénérables pachydermes zébrés à quatre défenses, les hautes girafes tachetées, ou les colossaux rhinocéros noirs au cuir si épais que les morsures des flèches ne leurs font pas plus d’effet qu’une piqûre d’anophèle. Mieux vaut ne pas être chargé par un de ces monstres dont les quatre cornes sont capables de pulvériser des rochers… Mais les différents colosses qui peuplent le Tangana, plutôt paisibles et bien souvent herbivores, ne sont pas les créatures les plus dangereuses, loin de là. Il faut se méfier des meutes de grands fauves écarlates aux dents de sabre, qui se fondent dans les branches des arbres. À la nuit tombée, ils ne font qu’une bouchée des malheureux qui n’auraient pas eu le bon sens d’allumer un feu pour les repousser. On dénombre une quantité phénoménale d’animaux et d’insectes étranges et exotiques, dans ces paysages de jaune et d’ocre qui couvrent une grande partie du Tangana.
Au cœur de cette région, on trouve le territoire des hautes herbes rousses qui s’étend sur des centaines de kilomètres. Comme son nom l’indique, ce lieu est entièrement recouvert d’un tapis de graminées géantes pouvant parfois atteindre quatre mètres de hauteur, dont les couleurs varient du rouge à l’orangé. C’est un endroit qu’il vaut mieux éviter. Non seulement la progression y est pénible, mais on peut aussi s’y perdre facilement et les quelques arbres qui s’élèvent au-dessus des herbes ne facilitent guère la prise de repères. Les hautes herbes rousses sont surtout connues pour être le terrain de chasse des Akala, un peuple hostile de chasseurs qui montent des vers géants et ne craignent pas la mort.
Contrairement aux Akala, la majorité des tribus du Tangana sont nomades, comme les farouches et impitoyables Wallaki venant du sud. Ils sont plus grands et robustes que leurs congénères et dans le genre cruel et brutal, ils tiennent la dragée haute aux Akala. Ces sanguinaires guerriers ne font pas dans la dentelle. Ils pillent et brûlent les villages conquis, et le viol est monnaie courante chez ces gens-là. Leurs seules limites sont les lois édictées par leurs dieux, et ils ne respectent que la force et les traditions.
Heureusement, tous les hommes du Tangana ne sont pas aussi inamicaux que les Akala ou les Wallaki. Les Ana, notamment, ont bon cœur. C’est un peuple paisible et accueillant. Cette immense tribu éparse habite principalement le sud du pays et ses membres sont organisés selon un principe récurrent en terre d’Ogon : un roi et un sorcier dominent le clan. Le souverain prend les décisions et son sorcier vérifie qu’elles sont en adéquation avec Maàti, le monde des esprits. Même si ce sont des gens simples, principalement des pêcheurs, des artisans et des éleveurs nomades, ils comptent dans leurs rangs de nombreux chasseurs et des guerriers de qualité.
Paradoxalement, le Tangana jouit d’un climat à la fois humide et sec, car si la sécheresse peut parfois durer de très longs mois, de grandes précipitations sporadiques et quelques violents orages se déchaînent de temps à autre, sans qu’on s’y attende vraiment. Ce qui renforce encore plus les croyances des peuples qui voient en ces pluies diluviennes un signe de leurs dieux. Des signes qui sont naturellement interprétés par les sorciers des tribus selon une rhétorique qui leur est propre et qui sert bien souvent à imposer leur opinion.
Ce pays recèle maints endroits exceptionnels, dont la majestueuse ville de Kiny ou l’immense lac Gabon ne sont que des exemples parmi les plus frappants.
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S’il y a bien un lieu qu’il vaut mieux s’abstenir de fréquenter dans les vierges contrées du Tangana, c’est le territoire des hautes herbes rousses. À première vue, comme son nom l’indique, c’est juste un champ interminable de graminées géantes aux couleurs fauves, atteignant parfois les quatre mètres de haut. C’est une espèce végétale vivace et invasive qui, avec le temps, a fini par étouffer toutes les autres plantes, proliférant comme du chiendent sur des centaines de kilomètres à la ronde. Seuls quelques anciens et vénérables acacias plats ont réussi à survivre à cet assaillant, et se dressent laborieusement au-dessus de cette mer d’écarlate. Ils sont les seuls points de repère pour aider à se diriger dans ce lieu où l’on ne voit pas plus loin que le bout de ses pieds. Mais le véritable danger ne vient pas de ces étendues herbacées dans lesquelles il est facile de se perdre.
Non, la menace est d’un tout autre type. Car ce territoire est le terrain de chasse du peuple des vers, les Akala ! C’est un peuple hostile de chasseurs qui montent des lombrics géants aux dents acérées, des créatures pour le moins effrayantes dont le long corps est parsemé de cornes. Les cavaliers traquent leurs victimes et les rabattent vers l’immense fosse qui leur fait office d’antre. Leur vision entravée par les hautes herbes rousses, les fuyards constatent trop tard que, dans leur précipitation, ils ont chuté dans un immense trou béant. En dégringolant, ils voient leur vie défiler, s’attendant à une mort rapide et imminente. Mais il n’en est rien car une série de filets habilement placés amortit leur chute et se referme sur eux. On peut alors entendre les Akala en contrebas rire de joie devant cette nouvelle moisson de victimes. On est aussi rapidement envahi par des effluves putrides rappelant une odeur de décomposition qui, associés au sel et à l’humidité, forment un fumet infect de nature à donner des hauts le cœur, même au plus vaillant des récureurs de latrines.
Les pauvres prisonniers ne sont pas au bout de leurs peines, car si les chasseurs les ont gardés en vie, c’est simplement pour les sacrifier en offrande à la divine Asla-Oarag, mère des lombrics géants. Elle est encore plus laide et plus grosse que ses fils, les fameux vers qui servent de monture à ce peuple pendant leur chasse. Lors d’une célébration bien particulière et plutôt écœurante, le sorcier en chef convoque Asla-Oarag pour la cérémonie de l’enfantement. Des prisonniers drogués au préalable sont alors offerts à la mère des vers. Ils sont attachés au centre d’une plateforme rocheuse, au cœur de la fosse géante qui fait face à l’antre de la bête. La géante Asla-Oarag s’avance alors et les mandibules sur le haut de son corps s’ouvrent pour laisser apparaître des sortes de tentacules rosâtres et bien baveux, qui plongent dans la bouche de ses victimes. Mais pour les suppliciés l’horreur ne s’arrête pas là, car les effets de la drogue se dissipent rapidement et ils finissent pas sentir le développement des larves déposées en eux. Car Asla-Oarag a pondu dans leur corps et, lentement, ses petits chérubins vont dévorer les entrailles de ces pauvres bougres. Ils vont grossir et lorsqu’ils auront pris du poids, lorsqu’ils seront repus des viscères, qu’ils auront sucé les os, alors ils perceront les chairs et ils s’éveilleront au monde. En attendant, durant une très longue agonie ponctuée par des cris trahissant une douleur incommensurable, les incubateurs humains ne souhaitent plus qu’une chose, un trépas rapide qui mettra fin à leur calvaire. Les jeunes vers continueront d’être alimentés par d’autres prisonniers, car tant qu’ils n’auront pas atteint l’âge adulte, ils auront besoin de se nourrir encore et encore. Parfois, n’ayant pas assez de captifs sous la main, les Akala se sacrifient eux-mêmes pour continuer à sustenter les jeunes vers. Ils ne craignent pas d’être dévorés car, dans leur croyance, s’ils sont mangés par des vers, ils deviennent ces vers.
Les Akala vivent donc en symbiose avec ces lombrics géants et ils les vénèrent. Ils évoluent autour de cet immense trou béant qui, sur ses premiers mètres de profondeur, draine les eaux souterraines du territoire des hautes herbes rousses, formant une multitude de chutes d’eau qui se jettent dans ces abîmes. Le gouffre est percé sur toute sa longueur par des centaines voire des milliers de galeries créées par les vers géants, reliées entre elles par des cordes et des plateformes de bois. On ignore si les Akala vivent à l’intérieur de ces corridors. Peut-être disposent-ils d’autres demeures ? Ces couloirs mènent certainement à quelques grottes qui font office de village caché.
Les Akala ont aussi cette fâcheuse manie de terminer toutes leurs phrases en claquant leur langue sur leur palais, faisant un « tac » qui à la longue devient vraiment irritant.
Il faut cependant savoir que depuis que le semi-Orc Turuk, l’Elfe rouge Lea’saa et la jeune cartographe humaine Irinild ont été pris au piège par les chasseurs de ce peuple, ils ont provoqué une belle pagaille. Particulièrement Turuk, qui a causé de grands bouleversements, remettant en cause les lois immuables de cette civilisation. Mais cela vous sera révélé dans les albums des Elfes rouges.
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On semble bien peu de chose lorsque l’on aperçoit les majestueuses fortifications de la cité de Kiny, qui se dressent face au soleil ardent. Ces murs sont faits principalement d’argile et de sable, rendus – grâce à un habile procédé connu des seuls bâtisseurs d’Ogon – aussi résistants que de la pierre. De grandes tours de garde y sont imbriquées tout le long de la structure. Elles s’élèvent au-dessus des façades et sont parées d’imposants symboles tribaux de couleur ocre, comme le reste de l’édifice d’ailleurs. Devant l’entrée, qu’on penserait conçue pour accueillir des géants, deux statues d’ébène hautes de plusieurs mètres toisent stoïquement les passants. Contrairement à bien des sculptures qui ornent les portes des cités du monde d’Aquilon, ces idoles ne représentent pas des guerriers hostiles censés faire réfléchir à deux fois les envahisseurs ou les êtres malveillants… Non, elles incarnent des gens simples, hospitaliers, évoquant certainement les sages nomades qui ont pris part à l’édification de ce lieu à l’époque de sa construction.
À l’arrière de la ville, une autre grande ouverture donne directement sur un port exotique comptant plusieurs embarcadères qui domine le lac Gabon. Cette vaste étendue d’eau salée, à la taille d’une mer intérieure, est presque adossée à la cité et offre des sources infinies de denrées aux gens de Kiny. Sur la rive, on peut également admirer de nombreuses idoles sculptées à partir du bois de baobabs géants. Amarrées à des structures sur pilotis, on remarque les différentes embarcations utilisées par le peuple Ana, allant des simples pirogues à de grands voiliers aux allures déconcertantes. Ces derniers s’ornent d’une triple proue, dont celle du centre est plus relevée que les autres et agrémentée à son extrémité d’une gravure en forme de visage. La poupe, quant à elle, remonte bien au-dessus du niveau de l’eau et offre un très bon point de vue pour les vigies. Ces embarcations sont propulsées à l’aide de grandes voiles ainsi que par des rangées de rames jaillissant tout le long de la coque. Ces navires semblent conçus pour pouvoir naviguer de longs mois, capables de voguer sur le lac Gabon comme sur l’océan. Cet océan est d’ailleurs accessible grâce à l’immense estuaire qui le relie au lac géant.
Dans l’enceinte de la cité, les odeurs d’épices se mêlent aux embruns du lac salé. Des tentures s’étirent le long des masures, offrant une ombre opportune aux étals des nombreux marchands qui longent les rues. La foule est dense et le brouhaha des conversations vient se mêler aux rires des enfants. Tous les sens sont envahis par une multitude de stimuli presque enivrants. Les bambins virevoltent autour des étrangers et on peut voir passer des femmes vêtues simplement de blanc, portant sur leurs têtes de lourdes cruches en terre cuite. Les visiteurs ne manquent pas d’attirer les regards, provoquant curiosité et sourires. Mais contrairement à la majorité des autres pays d’Ogon, du fait de la proximité avec les terres d’Arran, les habitants de Kiny ont l’habitude de côtoyer les étrangers à la peau pâle. Ils commercent d’ailleurs bien volontiers avec ces derniers et leur offrent souvent une aide bienvenue. Il faut le dire, le peuple Ana qui vit ici a bon cœur.
Pour le peuple Ana, cette immense tribu éparse vivant principalement dans le Sud du Tangana, la cité de Kiny fait office de point de ralliement. Entre les murs de la ville s’étendent à perte de vue des bâtisses de formes et de tailles différentes, qui s’agglutinent les unes aux autres à la façon d’un tapis de champignons. Les toits sont ronds ou courbés, de formes diverses, mais jamais droits. On trouve bien souvent des peintures tribales qui ornent les bâtiments, dans un but esthétique et de protection contre les esprits. Sur une colline moins envahie par les habitations se détache un bâtiment plus imposant que les autres. C’est là que vit Da’roko fils de Kao’zan, le roi des Ana, ainsi que la belle Isiir qui est à la fois sa sorcière et sa concubine principale. On dit bien souvent qu’un peuple a le souverain qu’il mérite, et dans le cas des Ana cette maxime se vérifie. Car Da’roko est un roi pieux, sage et accueillant, mais il n’en est pas moins malin et capable de se montrer inflexible quand le besoin s’en fait sentir. Des traits de caractère qu’il partage avec une grande partie de ses sujets.
Il faut savoir que la tribu des Ana qui vit à Kiny n’a pas à proprement parler d’ennemis. Mais parfois, il arrive que les menaces viennent du sud. Le roi Kemen des tribus nomades Wallaki en fait partie. Il y a plusieurs années, le père de ce dernier a essuyé une défaite sévère contre ceux d’Ana, et le fils entend recouvrer l’honneur perdu, bien décidé à obtenir une victoire mémorable, de celles qui sont contées lors des veillées par les anciens sages. Avec ses guerriers Wallaki, Kemen attaque à nouveau le territoire des Ana. Leurs armées étant de force égale, les combats risquent de s’éterniser indéfiniment. Ainsi, le roi Da’roko, dans sa grande sagesse, propose que son champion rencontre celui des Wallaki. Le vainqueur remportera la victoire pour sa tribu. Les conséquences peuvent être graves car si son champion échoue, leurs ennemis pourront disposer de la cité de Kiny comme bon leur semble, violer les femmes, piller leurs biens ou encore tout brûler. Alors que Da’roko réfléchit au choix de son champion, la nouvelle de la venue d’une Elfe rouge au Tangana lui parvient. Il faut savoir que sa tribu vénère les immortels à la peau écarlate car dans son folklore, ils représentent les dieux du feu et de la guerre. Il y voit un signe. C’est ainsi qu’il dépêche une troupe de guerriers pour la chercher et par là-même la sauver des griffes de la tribu des Akala. La mission est couronnée de succès, et c’est ainsi que Lea’saa et ses compagnons, le semi-Orc Turuk et la jeune cartographe Irinild, sont invités dans la demeure de Da’roko et découvrent l’incroyable cité de Kiny. Lea’saa accepte d’être la championne du peuple Ana et d’affronter le sorcier Thara-ko’iti, le champion des Wallaki. Un combat qui pourra apporter la paix ou la désolation, selon celui ou celle qui en sortira vainqueur.
(Découvrez ce lieu dans Elfes, tome 29)